Je t'aime - Anne-Marie Puy

 
   

La pièce met en scène un homme inscrit dans une société future désespérante où les femmes n’ont que l'alternative de la clandestinité, le choix de devenir dispensatrices de plaisir pour les dix mille (les autorités officielles qui dirigent le monde), l’acceptation d’être fécondées en chaîne pour le grand forum mondial citoyen, d’exercer donc leur maternité comme un métier de force ou bien le refus de tout cela, c’est à dire le maintien artificiel de leur vie contre leur gré, toujours pour produire des descendants. Les hommes ne sont pas mieux lotis. Ils ne sont plus que main d’œuvre ou chair à canon, exception faite de l’infime minorité de privilégiés gouvernants. Le personnage principal de Je t’aime n’habite plus qu’un local souterrain de cinq mètres carrés. Il a bien tenté de convaincre la femme qu’il aime de se plier à la loi globale de parfaite citoyenneté mais elle a refusé d’être porteuse volontaire. On l’y a donc forcée. Elle vit dans un sarcophage de verre et doit donner naissance par insémination artificielle à un enfant voué à la croissance rapide.
Alors, l’homme fait un voyage de deux jours à pieds en parcourant une infinité de couloirs, de tapis roulants et d’escalators à péage et rend visite à sa femme. Il lui parlera d’amour, partagera avec elle une illusion de repas… Il lui parlera de leur passé, des années où il y avait encore des enfants et des arbres pour tous. Il lui dira longuement je t’aime, en imaginant qu’entre elle, muette et morte à demi, et lui meurtri de son absence, il n’y a pas cette satanée paroi de vitre.

Anne-Marie Puy